À l’heure des grandes mutations du monde du travail, les salariés ont besoin de donner du sens à leurs missions et à leur travail au quotidien pour être engagés et rester performants.
La crise sanitaire liée au Covid n’a été qu’un catalyseur de ce besoin de percevoir de manière concrète et personnelle la valeur de son travail. Aujourd’hui, une fiche de paie, même bien fournie, ne suffit plus. Les salariés souhaitent évoluer au sein d’une entreprise dont les valeurs sont en alignement avec les leurs, y compris leurs préoccupations éthiques et morales.
Les réponses à cette quête de sens sont multiples. Et dans cet article, nous explorerons la manière dont les responsables RH peuvent répondre à la quête de sens et limiter les départs volontaires de leurs salariés en créant les conditions favorables à l'émergence, la création et la promotion d’une culture d’entreprise forte.
Perte de sens, désalignement des valeurs et démission consciente
La quête de sens au travail a même son vocabulaire et le monde professionnel est ainsi fait que tous les concepts émergents doivent posséder leur propre buzzword :
- L’année dernière, nous avons découvert le quiet quitting, cette manière discrète de se désengager de son travail sans démission formelle.
- Cette année, nous avons droit au “conscious quitting”, nouvel anglicisme qui décrit ces salariés qui sont prêts à quitter leur emploi pour rejoindre une entreprise qui correspond mieux à leurs valeurs, qu'elles soient sociales ou environnementales 💡
« Bienvenue donc dans l’ère de la démission consciente », affirme dès lors de manière très sérieuse Paul Polman, ancien PDG d’Unilever. Ses propos font suite à une étude menée auprès de 4 000 employés aux États-Unis et au Royaume-Uni qui révèle que « près de la moitié des personnes interrogées envisagent de quitter leur entreprise si les valeurs de celle-ci ne correspondent plus aux leurs ».
Qu’est-ce qui se cache vraiment derrière le conscious quitting ?
Mais au-delà des buzzwords, reste que cette dissonance — qu'elle soit constitutive ou même passagère — pose à nouveau la question du sens au travail de manière encore plus aiguë.
Car, comme l’explique David Bernard, CEO et fondateur d’AssessFirst :
« Sur cent personnes, 17 % ne sont plus en poste au bout de six mois, 36 % ne passent pas l’année et 46 % sont parties avant dix-huit mois. Dans neuf cas sur dix, ces échecs n’ont rien à voir avec les compétences, mais plutôt avec des mésententes managériales ou avec un non-alignement avec les valeurs de l’entreprise. »
Dans ce contexte, il est crucial pour les responsables RH de comprendre le pourquoi de ce besoin de sens et comment la culture d'entreprise peut l’impacter positivement pour ainsi limiter les départs volontaires liés au "conscious quitting".
Pourquoi avons-nous besoin de sens au travail ?
Vous êtes-vous déjà posé la question ? Très rares sont les personnes qui vous disent : « Mon job n’a pas de sens, mais tout va bien. » Les femmes et les hommes modernes que nous sommes ont besoin de sens dans leur travail pour plusieurs raisons :
- pour se sentir bien avec eux-mêmes : le travail occupe une grande partie de notre vie, et il est naturel de rechercher un sens dans ce que l'on fait pour trouver de la satisfaction personnelle. Lorsque les employés trouvent du sens dans leur travail, cela peut renforcer leur estime de soi, leur confiance en eux et leur sentiment d'accomplissement ;
- pour rester motivés et engagés : le sens au travail est un puissant moteur de motivation et d'engagement. Lorsque les employés comprennent la signification de leur travail et voient comment il contribue à un objectif plus large, ils sont plus enclins à s'investir pleinement, à être plus engagés et à donner le meilleur d'eux-mêmes ;
- pour trouver de la cohérence avec ses propres valeurs : le travail est souvent étroitement lié à l'identité et aux valeurs personnelles d'une personne. Trouver du sens dans son travail peut aider à aligner ses valeurs personnelles avec celles de l'organisation pour laquelle on travaille, ce qui peut renforcer le sentiment d'appartenance et la satisfaction au travail ;
- pour s’épanouir : le sens dans le travail peut également contribuer au bien-être et à l'épanouissement global d'une personne. Lorsque les employés ont l'impression que leur travail a du sens, ils sont plus susceptibles de se sentir épanouis et satisfaits de leur vie professionnelle, ce qui peut avoir un impact positif sur leur bien-être général.
Selon l’Apec, « derrière la quête de sens au travail, c’est bien celle de l’engagement des collaborateurs qui se pose pour l’entreprise ». Un salarié qui trouve du sens à ce qu’il fait s’implique encore davantage et est plus engagé. L’Apec a d’ailleurs fait ressortir dans une étude que 52 % des cadres jugent fondamental de se sentir utiles à l’entreprise. (Source : Apec, Salariat et autres formes d’emploi, mars 2019)
La quête de sens au travail se réfère donc à la recherche de signification et de satisfaction dans son activité professionnelle. Cela peut inclure la compréhension de la signification de son travail, sa finalité, sa contribution à une action globale ainsi que son importance pour soi-même, les autres et la société.
Elle peut également se manifester dans la recherche de métiers concrets et utiles, ainsi que dans la montée en puissance du travail indépendant et de l'entrepreneuriat.
Quel est le lien entre quête de sens et culture d’entreprise ?
Selon Maurice Thévenet, professeur au CNAM et à l'Essec, la culture d'entreprise est « un ensemble de références partagées dans l'entreprise, consciemment ou pas, qui se sont développées tout au long de son histoire » :
- En d'autres termes, la culture d'entreprise est le résultat des valeurs, des croyances et des comportements qui ont évolué au fil du temps au sein de l'entreprise, et qui sont partagés par ses membres.
- Elle est un puissant levier pour motiver les employés, les engager dans la vision et les objectifs de l'entreprise, et leur donner un sens plus profond dans leur travail quotidien.
Et c’est donc tout naturellement que la culture d'entreprise peut également aider à attirer et à retenir des talents qui recherchent de plus en plus des environnements de travail qui offrent un sens et un but plus profonds, au-delà du simple salaire.
Quel est le vrai impact de la culture d'entreprise sur la rétention des employés ?
La culture d'entreprise joue un rôle crucial dans la rétention des employés. En effet, de nombreuses études et recherches ont démontré qu'une culture d'entreprise forte est directement liée à la rétention des employés. Les organisations qui investissent dans le développement d'une culture d'entreprise positive et axée sur le sens peuvent bénéficier de nombreux avantages, notamment la réduction du taux de départs volontaires.
- Une étude réalisée par Gallup en 2022 a révélé que les employés qui se sentent connectés à la mission et aux valeurs de leur entreprise sont plus enclins à rester fidèles à leur employeur ; le turnover dans ce cas est inférieur de 18 %.
- L’étude montre également que les employés qui se sentent engagés dans leur entreprise et qui sont alignés avec sa culture organisationnelle sont moins susceptibles de quitter leur emploi.
Les entreprises et organisations où les employés sont très engagés surpassent de 147 % leurs concurrents dont les collaborateurs sont moins engagés. (Gallup)
Comment les RH peuvent s'impliquer dans la création et la promotion d'une culture d'entreprise axée sur le sens ?
Les ressources humaines jouent un rôle clé en tant que catalyseurs de la culture d'entreprise. Pour créer et promouvoir une culture d'entreprise axée sur le sens, les RH peuvent entreprendre diverses actions concrètes.
Contribuer à la définition des valeurs de l'entreprise 📌
Il faut apprendre à écouter la voix de ses salariés. Les RH peuvent faciliter le processus de définition des valeurs de l'entreprise en impliquant activement les salariés à tous les niveaux. Cela peut inclure la tenue de séances de brainstorming, de groupes de travail ou d'enquêtes pour recueillir les opinions et les idées des employés sur les valeurs qui sont importantes pour eux et pour l'organisation.
→ Les RH peuvent également travailler en étroite collaboration avec la direction pour s'assurer que les valeurs définies sont alignées avec la vision et la mission de l'entreprise.
Faire adhérer les employés aux valeurs de l’entreprise 📌
Une fois les valeurs définies, les RH peuvent mettre en place des initiatives pour favoriser l'adhésion des employés à ces valeurs. Cela peut inclure la création de programmes de formation et de sensibilisation pour expliquer les valeurs et leur importance.
Cela passe aussi la promotion de la culture d'entreprise à travers la communication interne, notamment grâce à des réunions, des newsletters, des intranets ou des réseaux sociaux internes, et la mise en place de pratiques de reconnaissance qui mettent en avant les comportements et les actions alignées avec les valeurs de l'entreprise.
Éviter le "bullshit" 📌
Notre époque est celle de la transparence et de l’authenticité, elle n’est plus celle des valeurs faussement « cool » auxquelles tout le monde fait semblant de croire. Les RH doivent veiller à éviter le "bullshit" dans la culture d'entreprise, c'est-à-dire éviter que les valeurs de l'entreprise deviennent de simples slogans vides de sens.
Pour cela, ils doivent s'assurer que les valeurs sont authentiques, réalistes et en adéquation avec la réalité de l'entreprise. Il est essentiel de ne pas seulement communiquer les valeurs, mais de les incarner dans les pratiques et les comportements quotidiens de l'organisation. L’entreprise doit d’abord faire et ensuite communiquer sur les résultats obtenus.
L’erreur serait d’en rester aux intentions, ou de travestir la réalité. Le greenwashing en est un bon exemple. Observez comment la quasi-totalité des banques françaises vantent les mérites de leur carte de crédit en PVC recyclé tout en finançant des projets d'énergies moins glorieux.
Mais des entreprises comme Sony Electronics ont trouvé la bonne formule en permettant à ses employés de s’impliquer individuellement et en équipe pour l’environnement. L’idée : les encourager à adopter une démarche écologique dans diverses actions de leur quotidien professionnel et à s’engager pleinement sur le long terme. Leur implication est ensuite valorisée par des récompenses concrètes, par exemple : un certain nombre d’arbres plantés en leur nom.
Tâter le pouls de l’entreprise 📌
Les RH peuvent également encourager les employés à exprimer leurs opinions et à donner leur feedback sur la culture d'entreprise, afin de s'assurer qu'elle est perçue comme authentique et significative par les employés.
Les enquêtes en temps réel, ou "pulse surveys", peuvent être utiles de plusieurs façons. Elles permettent de recueillir rapidement les commentaires et les opinions des employés, de mesurer leur satisfaction et leur engagement, d'identifier les problèmes potentiels, d'améliorer la communication interne, de prendre des décisions éclairées basées sur des données, et d'adapter les politiques et les pratiques pour répondre aux besoins des employés de manière proactive.
Faire vivre la culture d’entreprise 📌
Dans le management, la culture doit être déclinée pour accompagner les managers sur l’adoption de la bonne posture et incarner les valeurs auprès des collaborateurs.
Le fait de communiquer sur la culture va également permettre aux salariés de s’autogérer en la faisant vivre.
Aligner les pratiques RH et la culture d'entreprise 📌
Pour soutenir la quête de sens des employés, il est essentiel que les pratiques RH soient alignées sur la culture d'entreprise. Les RH peuvent s'assurer que les politiques, les procédures, les programmes de formation, les programmes de reconnaissance et les opportunités de développement professionnel sont cohérents avec les valeurs et la vision de l'entreprise.
Cela peut inclure la création de politiques de travail flexibles, la promotion de l'autonomie et de la créativité des employés, et la mise en place de programmes de développement professionnel qui favorisent l'apprentissage et la croissance des employés en lien avec les valeurs de l'entreprise.
Conclusion
La création d'une culture d'entreprise solide ne se fait pas du jour au lendemain ; elle peut prendre des années pour se développer et évoluer une fois qu'elle est bien établie.
Le rôle principal des ressources humaines est de comprendre la culture spécifique de l'organisation et d'évaluer quels aspects de cette culture sont bénéfiques ou préjudiciables.
Parfois, certains aspects de la culture deviennent obsolètes et ne sont plus adaptés au contexte en constante évolution de l'organisation. Il est alors nécessaire de remettre en question l'organisation elle-même. Bien que cela puisse être un travail en profondeur, il peut produire des résultats significatifs et durables sur l'engagement et la fidélisation de vos talents.